Dénommée Digital Asset Custody, la plateforme électronique de la Bank of New York Mellon Corporation (BNY Mellon) stocke et protège les crypto-actifs, notamment le Bitcoin et l'Ether. La vénérable institution, vieille de 238 ans, permet désormais à ses clients américains de stocker et de transférer des crypto-actifs basées sur la blockchain avec les mêmes garanties que celles offertes par la banque pour protéger les actifs traditionnels. « Ce genre de services est peu courant du fait de l'incertitude réglementaire autour des crypto-monnaies, et la plupart des banques américaines attendent plus de clarté », a déclaré Avivah Litan, vice-présidente et analyste distinguée du cabinet de recherche Gartner. « Plus grande et plus ancienne banque dépositaire au monde, BNY Mellon a répondu à la demande de ses clients qui réclamaient ce service », précise Avivah Litan. « La banque a une vision à long terme des actifs virtuels et réalise que les crypto-monnaies ne représentent qu'une fraction des actifs qu'elle aura probablement à prendre en charge demain [...] Probablement que les actifs financiers et non financiers tokenisés du monde réel représenteront une opportunité beaucoup plus importante pour la clientèle de BNY Mellon dans les dix prochaines années ».
Les plateformes d'actifs virtuels doivent garantir la sécurité des crypto-monnaies et des tokens, qui sont les représentations numériques d'une marchandise ou d'un autre actif physique. C'est d'autant plus important que les cybercriminels ont volé plus de 15 milliards de dollars en crypto-monnaies au cours des huit dernières années environ. Et les vols de crypto-monnaies n'ont fait que croître depuis que la pandémie de Covid-19 a frappé en 2020. BNY Mellon a créé l’entité Digital Assets Unit en 2021 afin de développer des services pour les actifs virtuels. La banque prévoit de lancer la première plateforme multi-actifs du secteur pour faire le lien entre la conservation des actifs numériques et traditionnels dans le cadre d'un service unique. BNY Mellon a déclaré avoir collaboré avec des sociétés de fintech, notamment Fireblocks et Chainalysis, afin d'intégrer leur technologie dans le développement de sa plateforme d'actifs numériques « pour s'assurer qu'elle répond aux besoins actuels et futurs des clients en matière de sécurité et de conformité dans l'espace des actifs virtuels ».
Des conditions à respecter avant le feu vert d'investissements
« L'annonce de BNY Mellon est significative, car même si le marché des actifs numériques n'est pas encore réglementé, les investisseurs institutionnels seront beaucoup plus à l'aise pour investir quand une institution comme BNY Mellon protège leurs fonds », fait savoir Avivah Litan. « Je ne suis pas sûre des dispositions en matière de responsabilité si les fonds des clients sont volés, mais j'imagine que BNY Mellon prendra beaucoup plus de responsabilités pour ses clients que la plupart des bourses de crypto-monnaies ». BNY Mellon a refusé de commenter cette décision, mais elle a renvoyé à une étude récente de Celent sponsorisée par la banque. Réalisée auprès de 271 investisseurs institutionnels, cette enquête a montré qu'il existait une demande institutionnelle importante pour une infrastructure financière résiliente et évolutive construite pour s'adapter à la fois aux actifs traditionnels et numériques . Elle a révélé que la quasi-totalité (91%) des répondants étaient intéressés par l'investissement dans des produits tokenisés. Au total, aujourd'hui 41 % des investisseurs institutionnels détiennent des crypto-actifs dans leurs portefeuilles, et 15 % de plus prévoient de détenir des actifs numériques dans les deux à cinq prochaines années.
Malgré un intérêt évident, les personnes interrogées ont également indiqué que certaines « conditions clés doivent être remplies » avant qu’elles ne transforment leurs recherches sur les actifs virtuels en investissements réels. « Le marché des services et de la garde d'actifs est très fragmenté et en pleine évolution, et les entreprises traditionnelles disposent d'une opportunité importante, car les investisseurs cherchent à supprimer toute incertitude dans une situation comportant de nombreuses variables », précise l'étude. Soixante-dix pour cent des personnes interrogées ont indiqué qu'elles augmenteraient leur activité liée aux actifs numériques si des services comme la garde et l'exécution étaient disponibles auprès d'institutions reconnues et de confiance. Selon Avivah Litan, les résultats de l'enquête sont significatifs dans la mesure où ils témoignent d’une demande pour un domaine qui « émerge à peine et offre d'énormes possibilités de modernisation de nos systèmes financiers ».
L’apport de confiance de la blockchain
Contrairement aux monnaies fiduciaires traditionnelles comme le dollar américain, émises par une autorité centrale, les crypto-actifs comme le Bitcoin sont basées sur un réseau contrôlé par une chaîne de blocs cryptographiques décentralisée. En d'autres termes, elles ne sont pas contrôlées par une entité unique comme une banque centrale. Les crypto-actifs ne détiennent aucune valeur intrinsèque, puisque leur valeur est entièrement basée sur ce que le marché détermine comme étant sa valeur, un peu comme les métaux précieux dont la valeur est basée sur la quantité disponible et les cas d’usage. Les crypto-actifs sont construites et échangées au sommet d'un registre de blockchain électronique public - semblable à une base de données relationnelle - qui peut être partagé ouvertement entre différents utilisateurs. Le grand livre de chaine de blocs crée un registre immuable des transactions en crypto-actifs, chacune étant horodatée et liée à la précédente.
Chaque enregistrement numérique ou transaction dans le fil est dénommé bloc (d'où son nom). Il permet à un ensemble ouvert ou contrôlé d'utilisateurs de participer au grand livre électronique. Chaque bloc est lié à un participant spécifique. La blockchain ne peut être mise à jour que par consensus entre les participants au système, et lorsque de nouvelles données sont saisies, elles ne peuvent jamais être effacées. La blockchain contient un enregistrement véridique et vérifiable de chaque transaction effectuée dans le système. En tant que réseau pair-à-pair, combiné à des serveurs d'horodatage distribués, les bases de données blockchain peuvent être gérées de manière autonome pour échanger des informations entre des parties disparates. Il n'y a pas besoin d'administrateur, car, en fait, les utilisateurs de la blockchain sont les administrateurs.
JP Morgan dans le stablecoin depuis 2019
Selon Deloitte, « dans l'économie de confiance, l'« identité » d'une personne ou d'une entité confirme son appartenance à une nation ou à une communauté, la propriété d'actifs, le droit à des avantages ou à des services et, plus fondamentalement, la preuve que la personne ou l'entité existe ». La blockchain ne résout pas simplement les problèmes d'accès ou de partage des données, elle résout également un problème de confiance. Dans l'économie de la confiance entre pairs, c'est un utilisateur individuel - et non un tiers - qui détermine quelles informations numériques sont enregistrées dans une blockchain et comment ces informations seront utilisées. Selon le cabinet d'études Deloitte LLP, les utilisateurs de blockchains s'efforceront de créer une représentation numérique unique et polyvalente d'eux-mêmes, qui pourra être gérée et partagée au-delà des frontières organisationnelles. Il existe toutefois des crypto-actifs appelées « stablecoins », qui sont adossées à de la monnaie fiduciaire et ont la même valeur que la monnaie qui les soutient. Les gouvernements du monde entier sont bien avancés dans la recherche et les projets pilotes de monnaies numériques nationales qui auraient la même valeur que leurs monnaies, y compris le dollar américain.
Les États-Unis restent cependant loin derrière les autres nations dans le développement d'une monnaie numérique nationale. Mais cela pourrait bientôt changer. Au cours de l'année écoulée, le président Joe Biden et les législateurs ont continué à pousser les instances gouvernementales à développer et à tester un dollar numérique. Le dollar électronique, représentation virtuelle d'un dollar américain, permettrait aux gens d'effectuer des paiements à l'aide de jetons sur des téléphones mobiles ou avec des cartes plutôt qu'en espèces. De plus, les entreprises de services financiers ont développé leurs propres monnaies virtuelles et les ont pilotées pour permettre des transactions financières transfrontalières en temps quasi réel et sans les frais élevés associés aux réseaux financiers comme SWIFT. Par exemple, en 2019, JP Morgan Chase a lancé JPM Coin, le premier stablecoin du genre utilisé pour transférer des fonds sur un réseau blockchain « autorisé » ou contrôlé de manière centralisée. Le réseau permet les transferts de stablecoin (monnaie virtuelle basée sur le dollar américain) à la fois en interne et entre clients institutionnels. Caroline Butler, CEO de Custody Services chez BNY Mellon, a déclaré que la banque continuera à « innover, à adopter de nouvelles technologies et à travailler en étroite collaboration avec les clients pour répondre à leurs besoins en constante évolution ».