Il est peu de dire que l'arrivée des datacenters de Google Cloud était attendue en France. Après moult suspense, la firme de Mountain View avait finalement annoncé la mise en service de ces centres de calcul dans l'Hexagone pour début 2022. C'est donc avec un petit retard à l'allumage que la société débute ses services made in France avec son triangle de datacenters dans la région parisienne. « C'est un projet qui a pris deux ans, le temps de décider ce que l'on allait faire », indique Anthony Cirot, directeur général de Google Cloud en France. « Ce n'est pas quelque chose qui est apparu cette année, cela a nécessité un cheminement relativement long ».
Les entreprises françaises peuvent donc dès à présent sauter dans la région France de Google pour bénéficier de ses infrastructures localisées sur le territoire, en Ile-de-France. Chez l'opérateur de datacenters Interxion, mais nous n'en n'avons pas eu confirmation par Google. En tout, trois zones de disponibilité dans trois datacenters sont annoncées. « Il y a trois zones réparties autour de Paris avec des distances de sécurité nécessaires et suffisantes », fait savoir Anthony Cirot. 70 km selon les critères habituels de Google Cloud. Interrogé sur l'absence d'une zone à Marseille - où Interxion vient d'ouvrir un 4e datacenter - le dirigeant indique : « on regarde et on étudie toutes les expansions possibles, nous sommes ouvert par rapport à cela ». Quoi qu'il en soit la disponibilité des services de Google Cloud en France coïncide avec le dernier câble sous-marin branché sur la côte Atlantique ouvrant à l'opérateur une capacité de débit monstre de 200 To/s.
Une arrivée tardive
Quels seront les services disponibles en France sur les datacenters de Google ? La totalité du catalogue Google Cloud sera-t-il concerné ? Des questions auxquelles Anthony Cirot a en partie apporté une réponse : « Pour l'instant on est à plus de 70-80% des services applicatifs usuels, de stockage, Big Query, de gestion des data lakes, de SQL en mode cloud », indique Anthony Cirot. « A court-moyen terme, à l'échelle de plusieurs mois, nous avons effectivement pour objectif de proposer l'entièreté du catalogue. On a d'abord regardé ce que consommait le plus les clients pour mettre à disposition nos services ». Reste à savoir au niveau des métadonnées si elles sont gérées directement en France ou toujours aux Etats-Unis. Nous n'avons pas obtenu de réponses sur ce sujet sensible. Jusqu'à présent, pour les clients désireux d'être protégés par la réglementation européenne en termes de localisation des données - mais pas du Cloud Act à l'instar de ce qui se passe aussi pour Microsoft et AWS - Google proposait à ses clients hexagonaux de s'appuyer sur ses infrastructures en Belgique, aux Pays-Bas ou encore en Angleterre. « Nous avions déjà une très bonne capillarité en Europe avec des temps de réponse de 5 ms, en ouvrant une région France on va passer à 2 ms », poursuit Anthony Cirot.
Les datacenters de Google en France pourraient bien ressembler à celui de Saint-Ghislain déjà ouvert en Belgique. (crédit : Google)
L'arrivée tardive de la région France s'explique aussi par la lenteur de l'adoption de ses services dans l'Hexagone. « Notre arrivée en France coïncide avec l'accélération du nombre de nos clients et a nécessité de lourds investissements et d'atteindre la taille critique », explique Anthony Cirot. Les clients français seraient donc plus frileux que les autres (espagnols et italiens) à aller vers le cloud ? Microsoft et AWS ne semblent pas le penser en tout cas. D'un point de vue technique, Google Cloud n'a quoi qu'il en soit pas subi de problèmes de délai particulier dû à la pénurie de matières premières et de composants.
La carte de la souveraineté cloud avec Thales
Le challenge est donc maintenant pour Google de s'attaquer au lancement commercial et de convaincre les entreprises de se tourner vers lui. D'autant que les offres dites de confiance s'activent, à l'image de Bleu, bien qu'accusant également du retard. « Il est intéressant de voir qu'ils ont fait une annonce une semaine avant l'ouverture de nos datacenters », remarque, non sans malice, Anthony Cirot. « Le fait d'ouvrir une zone France permet d'assurer la localisation des données dans le pays, qui est un gros sujet pour les clients, et d'être aussi très vigilant sur la souveraineté logicielle ». Et le directeur général de Google Cloud France de pousser plus loin son raisonnement : « on est le cloud qui s'appuie le plus sur l'ensemble des briques open source du marché ce qui est une chose importante pour les clients friands d'open source et de souveraineté logicielle ». Pour étayer ses propos, le dirigeant met aussi en avant que seul du personnel basé en Europe puisse accéder à ses infrastructures.
Dans le cadre de son accord avec Thales, le géant américain pousse par ailleurs le curseur encore plus loin : « dans le cadre de ce partenariat, nous allons créer une société commune pour fournir un cloud de confiance conforme à la réglementation. Il fallait déjà ouvrir une zone France avec des salles qui auront un mur hermétique entre les activités Google Cloud et celles impliquant Thales dont seules ses équipes pourront opérer ses services labellisés SecNumCloud ». Cela concerne en particulier du support de niveau 3 sur lequel les équipes Thales pourront s'appuyer sur l'expertise la plus pointue de Google en matière de services et de résolution d'incidents. Pointant son partenariat de longue date avec Thales - via le choix de la solution EKM en gestion des clés sur sa propre plateforme -, Google est confiant pour la suite de son histoire commune. Ces deux services ne s'adressent toutefois pas au même public « Je pense que l'offre Google Cloud opérée en France captera 15% des workloads critiques, mais que le secteur public et les OIV iront dans notre offre commune avec Thales », résume Anthony Cirot.
Une vingtaine de premiers clients en France
Depuis un mois et demi, les premiers utilisateurs français ont pu se faire la main sur les premiers services de Google Cloud et se rendre compte de la rapidité des temps de réponse. A ce stade, un peu plus d'une vingtaine les utilisent : un bilan qualifié de « modeste » par Anthony Cirot pointant la diversité des clients avec à la fois des grands groupes industriels que des start-ups. Mais toutes scrutent les temps de réponse. A l'instar de ce qui s'est récemment passé avec Box, Google Cloud compte aussi aider les entreprises à migrer leurs données localisées dans un autre de ses datacenters en Europe - mais aussi aux Etats-Unis - vers la France. « C'est assez simple de le faire », explique Anthony Cirot. « Il n'y a pas de grande difficulté à redéployer les applications et on s'appuie aussi beaucoup sur notre écosystème ». S'il n'existe pas de fourchette définitive de ces temps de migration, une « échelle de quelques jours » est évoquée par le dirigeant français. Quant à savoir si un raz-de-marée de clients souhaitant basculer leurs workloads vers la France est attendue, Google Cloud France n'y croit pas : « Dans les discussions les clients n'ont pas forcément besoin de bouger leurs applications et ils vont assez mécaniquement s'installer dans la zone France, mais nous n'avons pas le sentiment de velléité massive à migrer juste pour le plaisir d'être dans la zone France. Nous pensons que cela concernera plutôt de nouveaux projets ».
Pour Google Cloud, la France fait assurément partie des plus grands pays constituant un axe de développement très important. En termes d'ambitions suite à l'ouverture de sa dernière zone, Google Cloud ne donne toutefois, sans surprise, pas de chiffres. Mais des tendances : « L'objectif c'est de basculer en production des clients pas juste pour du bac à sable et du test », annonce Anthony Cirot. « Avec ces points de confiance dans la localisation des données, l'ambition est de couvrir à peu près tous les secteurs d'activité et de toucher toutes les entreprises privés et publiques qui ont une sensibilité forte à la localisation des données et avec un intérêt sur la rapidité applicative ». Et le dirigeant de conclure : « Nous sommes l'hyperscaler qui croit le plus vite en France et nous avons l'ambition de continuer à croitre encore plus et de continuer à pleinement investir en France, mais aussi plus largement en Europe du Sud ». D'après les chiffres de Markess de mai dernier, Google est crédité en 2021 d'une part de marché de 8% en 2021 contre 17% pour Microsoft et 46% pour AWS : la marge de progression autant que le challenge à relever est immense.