Le Monde Informatique :  Quelles sont vos impressions suite à votre nomination en tant que personnalité IT de l’année 2022 par les lecteurs du Monde Informatique ?

Frédéric Bardeau : Je suis très heureux, ainsi que toute l’équipe. Il s’agit d’une consécration pour Simplon dont l’objectif est de former à l’IT des personnes éloignées de l’emploi. Cette distinction montre que l’école a un rôle modèle à jouer sur la diversité dans la tech. De plus, elle donne un signal fort aux entreprises qui hésitent encore à faire appel à cette diversité.

Pour rappel, quelle est l’origine de Simplon ?

L’idée a démarré en 2013 en voulant s’inspirer des bootcamps aux Etats-Unis qui proposaient des formations courtes à la programmation informatique. Plusieurs initiatives ont vu le jour en France dont la nôtre, mais aussi le Wagon ou l’école 42. Aujourd’hui, nous disposons de 131 écoles dans 28 pays et nous avons formé 22 000 personnes. L’accent est mis sur le caractère inclusif, demandeurs d’emploi, personnes handicapées, réfugiés, etc. La mixité est aussi importante avec 40% de femmes dans les écoles.

L’année 2023 sera marquée par les 10 ans de Simplon. Quelle est la feuille de route de l'école ?

Nous voulons continuer à creuser le sillon en améliorant l’offre sur le DevOps, la cybersécurité, la XR (Extended Reality) ou le cloud. Aujourd’hui, sur les 22 000 personnes formées, la moitié l’est sur le développement et l’autre l’est sur la partie infrastructure (administration réseau notamment). Par ailleurs, nous allons continuer à nous développer à l’international notamment sur la partie Amérique Latine et l’Asie. Sur la première, il y a une forte demande sur certains pays qui sont dans la zone off-shore des Etats-Unis. En Asie, nous avons déjà eu une présence en Corée du Sud à travers notre partenariat avec Microsoft. Nous allons ouvrir au Cambodge et peut-être aux Philippines.

En matière de formation, quelles sont les évolutions à attendre cette année ?

En 2023, nous allons déployer des formations de niveau bac +5. Il s’agit d’une demande à la fois des ESN avec qui nous travaillons, mais aussi des apprenants. Les formations dispensées actuellement permettent d’accéder à des diplômes de niveau bac+3 et +4 par exemple sur les écoles sur l’IA. Nous avons donc enclenché la démarche auprès de France Compétence pour valider deux titres autour du data ingénieur et développeur en réalité virtuelle/augmentée.

Vous travaillez beaucoup avec les entreprises, quelles sont les tendances observées en matière d’IT ?

Les stratégies IT des entreprises sont en train d’évoluer vers une ré-internalisation des compétences avec la création de digital factory ou la bascule vers l’edge computing. Il y a donc une demande forte entre les ESN et les DSI pour recruter des talents et se tourne vers nous. Un autre phénomène important, c’est la demande de reskilling au sein des grands comptes comme La Poste, SNCF ou Natixis. L’idée est de garder les salariés de l’entreprise et de les former à des métiers de l’IT dans plusieurs domaines : développement Java, data analyste, IA, data product owner. Par contre, là où nous avons plus de mal pour placer nos apprenants, c’est dans les start-ups et les licornes. Peut-être qu’avec la distinction de LMI nous allons avoir une meilleure reconnaissance auprès de ces acteurs.

Dans les tendances, il y a la question de RSE autour du numérique. Est-ce que vous intégrez cette orientation dans les formations ?

Il y a plusieurs axes, comme par exemple autour de l’accessibilité du web, avec la certification Opquast, qui fixe des bonnes pratiques pour le développement. Sur la partie Green IT, il n’y avait pas jusqu’alors beaucoup de répondant de la part des entreprises. Mais cela change sur les sujets d’écoconception avec par exemple des initiatives à Toulouse sur ce sujet. Cela implique d’avoir des compétences supplémentaires en plus de celle de développeur.

Concernant les développeurs, est-ce que l’arrivée d’assistants au code à base d’IA constitue une menace pour ce métier ?

C’est la énième fois que l’on nous annonce la fin des développeurs. Mais le codage ne constitue qu’une partie du métier. Je ne suis pas sûr qu’une IA soit capable de discuter avec le client pour connaître ses besoins. Pour autant, il ne faut pas écarter la technologie et nous testons Copilot de GitHub sur une partie des référentiels de règles. Il apporte plus de clarté et moins d’erreurs.

Est-ce que les profils des élèves de Simplon évoluent ?

La base des apprenants reste les personnes éloignées de l’emploi, ceux qui ont un accident de la vie, des chômeurs, des réfugiés. Mais nous avons de plus en plus de candidatures de gens avec moins de problème et plus de soft skills. C’est une bonne chose car cela apporte une diversité supplémentaire. Et cela devrait s’amplifier avec l’arrivée des diplômes en bac +5.

Quel est le taux d’emploi des élèves ?

La période Covid a eu un impact sur le taux d’emploi où 60% des formés trouvaient un poste dans les 6 mois. Aujourd’hui, ce taux est passé à 70%.